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  • : Mark Storm - Space Adventure
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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 16:10

 

 

 

Episode 1



A ceux qui le comprendront....

Parce que le temps du retour approchait, parce qu’aucun autre moment ne permettrait plus de réunir les dernières pièces, chaque destinée devrait s’accomplir. Elle n’avait pas le choix, ils le lui avaient interdit. Passé et présent décideraient seuls de tous les avenirs. Elle les savait pourtant devenus si sombres. L’obscurité était si dense.
Le chant de la Diasmara ne devait plus retentir, jamais plus, ou tout devrait recommencer pour un nouveau cycle.
Cela seul comptait, même si elle allait peut-être devoir y sacrifier son propre destin, avec le sien.



Les cargos ont franchi la zone de confinement, confirma le chef de mission. Le portail de con-trôle n’a rien détecté. On va bientôt pénétrer dans le champ d’attraction, poursuivit-il d’un ton placide.
L’homme avait de quoi être confiant. Leur dernière création avait fonctionné mieux que prévu. L’unique point d’accès à la planète était à leur merci grâce à un « simple » virus bio-informatique, intégré au cœur même du système de protection sous les traits d’un composant essentiel. Rien ne pourrait plus l’en déloger. Du moins était-ce la promesse de son concepteur. Il espérait ne pas être déçu. Ses troupes en auraient besoin pour évacuer les lieux.
— Le timing a été respecté à la seconde près, releva-t-il encore, sans se préoccuper du silence de son supérieur. On est prêts.
Les appareils quitteraient sous peu leur cocon protecteur pour se glisser dans les deux seuls cou-loirs menant au spatioport. Leurs réserves d’énergie suffiraient largement pour rester sous le couvert du champ d’invisibilité jusqu’au début de l’opération.
Son interlocuteur marqua sa satisfaction d’un mouvement de tête approbateur.
— Parfait. Tiens-moi au courant, ajouta-t-il simplement avant que son visage ne s’estompe dans la brume de l’holoviseur.
***
— Veuillez vous lever ! annonça, de façon très solennelle, un homme habillé d’une longue toge blanche.
Derrière lui, un sas coulissa. Le brouhaha s’estompa tandis que tout ce que la salle d’audience du tribunal pouvait compter de curieux, journalistes, témoins, et avocats obéissait, sous le regard vigilant des gardes.
Les pas des douze membres du jury, du président de la Cour suprême interterritoriale et du procureur semblèrent frapper le sol avec plus d’intensité encore dans ce silence respectueux, mais trompeur. L’atmosphère, électrique, faisait frissonner les peaux. Le public attendait sa pitance, piaffant d’impatience.
Comme la centaine de personnes présentes, physiquement ou par hologrammes, les patrouilleurs de faction suivirent l’évolution du groupe à travers la salle. Les yeux de l’un d’eux s’attardèrent au pas-sage sur la silhouette de l’accusé. Cette vision l’agaça, réalisant que le prisonnier n’avait même pas daigné se lever. Bien décidé à le faire bouger, le garde s’avança aussitôt vers le box ultra sécurisé où il était enfermé, cage invisible aux parois énergétiques mortelles. Il s’apprêtait à entamer un troisième pas lorsque son occupant tourna la tête vers lui. Croiser le regard de cet homme prit le patrouilleur de court. La lueur glaciale qui flottait dans ces yeux gris clair gela son enthousiasme en une fraction de seconde. L’échine parcourue d’un désagréable frisson, il préféra en rester là. Tant pis pour le protocole. Il retourna à sa place alors que chacun dans la salle s’asseyait, suivant l’exemple des magistrats.
— Accusé, levez-vous ! ordonna le greffier en voyant que le procureur s’apprêtait à énumérer la liste des chefs d’accusation avant que le jury ne rende enfin son verdict.
Cette nouvelle injonction ne sembla pas avoir plus d’effet que la première. Le juge fronça les sourcils, excédé par ces marques d’irrespect qui n’avaient cessé d’émailler le procès. Les avocats de la défense jetèrent un regard implorant vers leur client. Ce dernier finit par obtempérer, de mauvaise grâce. Campé sur ses pieds, les bras croisés dans le dos, il ne prêta aucun intérêt au prochain orateur.
Indifférent à la liste des méfaits que le représentant du ministère public commença à détailler avec une délectation certaine, Cobra laissa son attention errer dans la salle, glissant çà et là sur quelques visages familiers sans pour autant s’y attarder. Les jeux étaient faits, il connaissait son avenir, alors pourquoi s’attacher à cette mascarade ? Ce mépris ouvertement affiché finit pourtant par être pris en défaut. Croisant le regard du colonel Warmer, présent in personae alors qu’il aurait pu l’être par simple visiohologramme, son humeur devint nettement plus ombrageuse. Il lui devait sa position de prévenu en attente de condamnation et n’était pas prêt de lui en pardonner la manière.
Le fait qu’Alen ait tenu à venir témoigner contre lui ne l’avait pas autrement surpris. Leurs relations s’étaient détériorées depuis longtemps déjà. Les causes ? Difficiles à définir. Peut-être avaient-elles toujours été là. Ils avaient baissé la garde, ils s’étaient laissés emporter, ils avaient fini par perdre le contrôle de la situation. Chercher à déterminer qui des deux en était le plus responsable n’avait désormais plus vraiment d’importance.
Quoique…
Au fond, ni l’un ni l’autre n’avait été assez raisonné pour décider d’une issue différente.
Cobra savait s’être engagé le premier dans un jeu dangereux, réponse personnelle à une démarche très officielle du patrouilleur. Au milieu d’autres avis divergents, il n’avait pas apprécié qu’Alen appuie, puis mette en œuvre la volonté des autorités de Zoltan. Surveiller le temps passé avec ses enfants, son fils en particulier ? Restreindre son droit de visite ? Et puis quoi encore ? Il n’avait que faire des conventions ou des craintes du régent de voir le futur empereur attacher plus d’intérêt à la vie de son père qu’à celle qui devait le conduire à la tête du Territoire, d’ici deux ans.
Mark avait réagi à sa manière face à cet entêtement persistant. Réaliser combien le patrouilleur pouvait s’immiscer dans sa vie, réaliser à quel point il pouvait l’impacter avait le don de l’horripiler. Il avait conscience d’en porter une partie de la responsabilité, certes… Car jamais il n’aurait dû… Il lui avait laissé bien trop de liberté, depuis Tritarnia déjà, depuis le Rêve Bleu ensuite, depuis ces coins de voile soulevés sur ses parts d’ombre, sur son passé. Il lui avait accordé bien trop d’espace pour qu’Alen puisse s’imaginer autre chose désormais que d’y avoir droit de cité, sans aucune restriction.
L’évidence était devenue si flagrante qu’elle lui avait imposé l’urgence d’y remettre bon ordre. Il était grand temps d’éloigner ce patrouilleur d’une zone qu’il n’aurait jamais dû atteindre. Aucun be-soin de réfléchir à la manière de s’y prendre. Mark avait juste profité, voire abusé, de son activité favorite. Il avait mis au défi la fierté du colonel de façon délibérée, œuvrant au plus proche des secteurs placés sous sa responsabilité directe, flirtant sans vergogne avec leurs frontières. S’il avait eu conscience de la proximité de ce point de non-retour, la situation avait rapidement instauré un « piquant » qui avait su lui plaire.
Tout aussi vite, les journalistes en mal d’informations croustillantes avaient accusé Warmer de fermer les yeux sur les agissements de ce pirate avec lequel il entretenait des rapports bien trop flous depuis longtemps. Dans l’impossibilité de laisser circuler de telles allégations, Alen avait dû se résoudre à prendre les choses en main. Sa carrière et son crédit auprès de ses supérieurs en dépendaient. Il n’avait pas le choix. Ses relations avec Cobra avaient toujours été officieusement admises tant qu’elles n’interféraient pas avec son statut de haut gradé au sein de la Patrouille. S’il ne voulait pas se voir relégué à des tâches subalternes, et surtout perdre la considération de ses pairs, il devait apporter la preuve que ces dires ne s’appuyaient sur aucune réalité.
Du fait même de ses liens privilégiés avec le pirate, Warmer ne pouvait pourtant nier un sentiment d’échec ; une frustration aussi, profonde. Depuis le temps, il avait cru mériter sa confiance, assez en tous les cas pour avoir un peu, juste un peu, d’influence sur lui. Fort de cette conviction, il avait essayé de le gagner à son monde. Il avait espéré que le commando et ses missions, au-delà de la légalité et parfois du raisonnable, sauraient dispenser assez d’adrénaline pour éloigner son « meilleur ennemi » de son milieu natal.
Le patrouilleur avait tout tenté, pour Benji, pour Sania. Il appréciait son rôle auprès d’eux, mais il n’était pas leur père. Les deux adolescents grandissaient vite, et de son point de vue, Mark aurait dû leur offrir beaucoup plus. Malheureusement, l’univers pirate reprenait invariablement le dessus. Pour-quoi cet attrait, si incompréhensible ? N’accordait-il donc de la valeur à la vie que lorsqu’il risquait de la perdre ? Pour Alen, c’était hors de son entendement, mais il était peut-être temps qu’il en accepte la réalité. Alors, puisque Cobra s’obstinait à ne pas faire de ses enfants un choix prioritaire, autant que cela devienne officiel !
Warmer avait ainsi saisi au vol les inquiétudes du gouvernement zoltanien. L’occasion était par-faite, façon inconsciente aussi, peut-être, d’obliger le principal intéressé à réagir. Et ce dernier l’avait fait. D’une manière qui l’avait vite mis hors de lui. Dès lors, le mouvement de balancier ne s’était plus arrêté, les éloignant inexorablement l’un de l’autre.
Irrité par le comportement du patrouilleur, par pure insolence aussi, Mark avait fini par franchir la limite. Il avait opéré en toute conscience dans la zone de commandement du colonel, la zone interdite définie par ce pacte implicite qui les liait depuis la chute de la Horde .
La fureur d’Alen avait été immense, à la hauteur de son sentiment de trahison. Reléguant au second plan leur entente passée, il avait pris la décision d’agir enfin comme il l’aurait fait depuis déjà longtemps contre n’importe quel criminel.
Au-delà du battage médiatique, la mort de cette « relation contre nature » trouva sa justification jusque dans les rangs de ceux qui avaient pu les côtoyer. Qu’importaient les affinités, c’était dans l’ordre des choses. L’alliance entre un patrouilleur et un pirate ne pouvait avoir de sens que face à un ennemi commun. Difficile, même pour les principaux intéressés, d’en ignorer la pertinence. Bien des évènements avaient déjà failli mettre un terme aux liens qui les unissaient, des évènements difficiles à surmonter. Si leur amitié y avait longtemps survécu, les cicatrices existaient, silencieuses, inoubliables.
Pouvait-on tout pardonner sans ressentiment ? Dans un monde parfait, peut-être. La réalité était bien moins complaisante. La machine était lancée. Impossible de revenir en arrière. D’un simple défi, le jeu s’était mué en un conflit personnel.
Benji et Sania avaient été les premiers à en souffrir, victimes collatérales d’une situation sur la-quelle ils n’avaient aucun poids. Depuis Tritarnia, ils avaient pris la réconfortante habitude d’avoir deux « pères » qu’ils aimaient chacun à leur façon. La discorde venue s’immiscer entre eux avait rompu cet équilibre précieux. Après le premier recadrage des visites du pirate par les autorités de Zoltan, le fil du temps avait raréfié sa présence à leurs côtés. Bien qu’il ne puisse être arrêté dans le Territoire par décret de l’ancienne impératrice, Cobra avait évité de se rendre sur sa planète capitale, Zo-lan, lorsque le patrouilleur s’y trouvait. Le terme de « zone neutre » n’aurait très certainement plus voulu dire grand-chose s’ils s’étaient retrouvés face-à-face. Mais cette absence avait pesé sur ses deux enfants.
« …tentative de meurtre sur la personne du Président du Grand Conseil… », entendit Mark d’une oreille distraite avant qu’un sourire désabusé n’étire ses lèvres.
Il s’agissait du principal chef d’accusation retenu contre lui par le procureur général. Alourdi par la liste de ses faits d’armes, il lui vaudrait une sentence mortelle d’ici quelques minutes.
Se retrouver devant un tribunal pour un crime réellement commis ne l’aurait pas dérangé outre me-sure. C’était les risques du métier et il les avait toujours assumés. Mais là, les choses étaient différentes. Il avait du mal à admettre qu’on le juge et le condamne sans avoir jamais cherché à savoir ce qu’il s’était vraiment passé. Rien n’avait pesé dans la balance : ni le fait d’avoir accepté d’être l’un des membres de ce commando dont Greschad lui-même avait eu l’idée , ni le fait que son respect pour cet homme soit de notoriété publique, considération somme toute assez rare de sa part. Tout cela le dépassait quelque peu. Il ne pouvait malheureusement que se rendre à l’évidence : les apparences étaient contre lui et sa réputation faisait le reste.
L’audience se poursuivit, loin de lui. La voix du procureur bourdonnait à ses oreilles sans que son attention cherchât à s’attacher à la signification des sons qui lui parvenaient. Pris par ce murmure hypnotique, son regard se perdit dans le vague, l’esprit envahi par les souvenirs.
***

 "Mark Storm - L'Ombre de la Rose Noire - Tome 1" est publié c/o les Éditions Voy'[el]  

Texte soumis à la Société Suisse des Auteurs en 1992
protégé auprès de Copyright France.
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